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Emergence
Premiers romans, premiers livres… Les éditions Humanis donnent leurs chances à des auteurs émergeants !
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Jusqu'au jour où elle décrocha le boulot de ses rêves, auprès de ses idoles. "
Le c½ur battant, j'observais la vitrine en verre qui détonnait du reste de l'immeuble en pierre brune. Mes mains moites traduisaient le stress de ce premier entretien avec mes futurs patrons. Je ne doutais pas de mes compétences : j'avais cinq ans d'expérience derrière moi, une solide formation et une belle liste de personnalités prêtes à me recommander. Mais ici, le contexte était différent. J'avais peur de ne pas être prise au sérieux.
Et si pendant l'entretien, gênée d'avoir de telles stars devant moi, je ne disais que des bêtises ? Ou pire, si je me retrouvais incapable de prononcer un mot ? Certains sont adeptes de la première impression que donne une personne. Moi, je suis plutôt du côté de ceux qui préfèrent connaître avant de se prononcer – après tout, on ne juge pas un livre d'après sa couverture. Mais dans ce milieu, il ne faut pas se leurrer, la première impression joue beaucoup. Je m'étais efforcée, des heures durant, de rendre ma voix plus grave. Devant mon miroir, j'avais tenté de contrôler les muscles de mon visage, afin d'afficher un air solennel. Je sais, c'est idiot. Mais pouvoir faire le métier qui vous passionne en compagnie de vos idoles, n'est-ce pas la consécration suprême ? Pour me donner une apparence plus sérieuse, j'avais troqué mon jeans et mes petites blouses aux couleurs vives contre un tailleur bleu marine, tout ce qu'il y a de plus commun. Je pouvais à peine respirer. J'avais grimacé devant mon reflet : taille normale, silhouette normale..., cette vision me donnait l'impression d'être une femme d'affaires new-yorkaise fondue dans la masse d'hommes en costume et de femmes en tailleur qui déambulent à Wall Street. Mes longs cheveux châtains étaient attachés en chignon et une fine ligne de crayon faisait ressortir le vert anis de mes yeux.
Je m'appelle Beth Vandenbroeck, petite fleur bleue idéaliste, enfin, rose, si j'en crois l'ami d'école qui m'avait surnommée « petite fleur rose » pour railler ma vision sucrée du monde. En froid depuis plusieurs années avec le sentiment qu'on appelle « amour », je suis mère célibataire. Je suis WG, ce qui signifie warning guy. Le WG est une sorte de consultant qui vit dans l'ombre d'un artiste. Il contrôle tout sans qu'on ne le voie jamais, fait le lien avec la maison de disques, supervise les intervenants : producteur, chorégraphe, assistant... Je suis une des rares WG femme dans ce milieu dirigé par une grosse majorité d'hommes. C'est parce que je ne me laisse pas faire que j'ai su me faire respecter. J'ai souvent été traitée comme la petite s½ur, la faible femme qu'il faut protéger. Ça ne me dérange pas, je suis assez impatiente et capricieuse, ce qui sied parfaitement au rôle. J'ai toujours aimé faire le contraire des autres et c'est ma passion pour la musique qui m'a permis d'exceller dans mon métier. Pour moi, c'est musique à toutes les heures, à toutes les sauces, au réveil, sous la douche, mon baladeur partout avec moi... C'est une habitude qui ne m'a pas quittée en grandissant.
J'ai commencé mon job en 2000, comme assistante du premier WG de l'époque, un ancien manager un peu pervers qui ne voulait que des petites minaudes de moins de trente ans dans son équipe. « Pour rester jeune, entoure-toi de jeunes », répétait-il à longueur de journée. Je le trouvais ringard de prime abord, mais il m'a introduite auprès de nombreuses personnalités sans jamais rien demander en échange. Il avait gagné le respect de la profession en aidant un ami à faire l'un des plus gros comebacks de l'époque. Cette expérience et le succès qui s'ensuivit furent profitables à ma carrière. Deux ans plus tard, je décrochai mon premier contrat pour un jeune boysband qui allait se révéler être l'un des meilleurs investissements de la jeune pop britannique.
J'adore les grandes villes. Il est si facile de se fondre dans la masse ! Je savais qu'en répondant à cette offre dans l'une des plus grandes capitales du monde, il y avait de grandes chances pour que je range ma tenue de nomade au placard et que je ne quitte plus mes futurs employeurs. Ce coup de fil m'avait d'abord semblé être une méchante blague. Tout le monde dans le milieu savait que j'admirais les Reload depuis mon plus jeune âge. L'appel était pourtant sérieux. C'est justement parce que j'étais incollable sur leur carrière et qu'ils avaient entendu parler de mes aptitudes qu'ils ne voyaient pas de meilleure personne faite pour ce job. La reconnaissance de mon travail par mes idoles... Quel honneur pour moi ! C'était comme un rêve de petite fille qui se réalisait.
Je rassemblais tout mon courage en avançant vers la réceptionniste de ce petit studio perdu au milieu des bureaux de Soho. Elle m'accompagna dans les escaliers qui menaient aux sous-sols de l'immeuble. Nous marchions le long d'un long couloir de couleur amande qui longeait les deux studios d'enregistrement. Je fixais la moquette noire en essayant de me détendre. Je relevai les yeux et pris une grande inspiration afin d'évacuer mon stress. Les murs qui menaient à la salle de conférences étaient décorés de disques d'or, de platine et de diamant au nom des Reload, ce groupe pop qui avait connu la gloire dans les années quatre-vingt-dix. Ils s'étaient spécialisés dans les chansons d'amour avec un son qui les rendait particulières. C'était les premiers du genre et ils ont inspiré beaucoup d'autres formations qui ne sont jamais parvenues à égaler leur popularité. Le départ de Noah, le plus jeune de la bande, affublé d'un ego démesuré, et leurs excès, les avaient conduits à se séparer en quatre-vingt-seize. Jusqu'à ce qu'une décennie plus tard, réunis pour un documentaire sur l'histoire du groupe, ils décident de reprendre avec succès leur route ensemble.
La jeune femme qui m'accompagnait toqua à la porte et ouvrit sans attendre de réponse. Elle me fit un signe de la main pour m'inviter à entrer puis referma la porte derrière moi. Ils n'étaient que trois. Trois hommes d'âge mûr, de proportions différentes, avec le même sourire chaleureux sur le visage, assis l'un à côté de l'autre sur la longueur d'une grande table en chêne blanchi. L'absence du membre le plus intimidant me détendit assez pour que je les observe sans rougir bêtement. Je les saluai poliment en m'installant sur l'une des chaises à roulettes qui leur faisaient face. Le manque de fenêtres sur l'extérieur et la couleur prune des murs firent soudain resurgir ma nervosité. Je tâchai de reprendre discrètement ma respiration et posai mon regard sur le leader du groupe qui s'adressait à moi :
— Nous n'allons pas tourner autour du pot : notre WG prend sa retraite. Nous préférons habituellement nous entourer de personnes d'âge mûr, avec un certain nombre d'années d'expérience. Mais considérant votre CV déjà impressionnant malgré votre jeune âge, et compte tenu des recommandations que nous avons reçues à votre sujet, nous sommes prêts à revoir notre copie et à tenter l'expérience.
Waouw ! Je savais Riley Carter très professionnel, mais là, il m'impressionne ! Non, Beth, ne pense pas, détends-toi et surtout, réponds quelque chose !
— Hum, vous connaissez déjà mon parcours... Je vous propose donc un essai de trois mois et nous aviserons pour la suite, si mon travail vous convient.
Le sérieux de ma voix m'impressionnait moi-même. La porte s'ouvrit alors. C'était Owen, la bouille d'ange du groupe. Dans les années quatre-vingt-dix, il était déjà le chouchou des jeunes filles, moi comprise. Je n'ai pas oublié la petite fille de dix ans qui rêvait devant ses yeux turquoise. Il prêtait régulièrement sa voix aux compositions de Riley et, quand le groupe sortait ses instruments, il était à la basse. Son pantalon en coton beige associé à un polo blanc lui donnait l'air décontracté, comme s'il revenait d'une balade sur la plage. Ses sandales de cuir brun rehaussaient cette impression. Je détournai rapidement les yeux. Heureusement que j'étais assise, sans quoi mon « grand professionnalisme » aurait roulé sous la table. Il s'installa près de ses amis, tandis que Riley reprit la parole :
— Vous avez des exigences ? Un mode de travail particulier ?
Des exigences ? Il venait de prononcer le mot magique ! Bien que mes règles de bonne conduite n'aient aucune valeur juridique, elles ont une valeur morale à laquelle j'accorde la plus grande importance. Et j'en attends autant de mes clients. Quelques paragraphes glissés dans le contrat me permettent de déterminer une « faute grave » en cas de conflit, pour éviter d'être piégée par une star qui ne se contrôle plus. J'y évoque par exemple l'usage des drogues sur scène. Un fléau pour le WG qui veille non seulement à l'image – filtrage des informations, conseils sur les concerts, les apparitions TV, la presse, les photoshoots, les couvertures d'album ou de DVD, etc. –, mais assure également la promotion des artistes. Dans ce contexte, la franchise est de rigueur, comme le respect mutuel, dans les choix et dans les décisions. Et ma touche personnelle est un mode de travail écologique, dans la mesure du possible. Ce contrat avec Reload n'avait pas dérogé à ces règles et Riley, à la hauteur de sa réputation de cartésien, fut tout de suite en accord avec elles.
— Je dois vous avouer que vous êtes plus rigoureuse que votre prédécesseur. J'espère que notre collaboration se passera bien et – pourquoi pas – que vous resterez plus longtemps avec nous.
— Comme vous le savez, je suis nomade, mais je reste ouverte d'esprit. Nous en reparlerons plus tard.
— Très bien, rendez-vous ici demain, même heure, pour notre première réunion ensemble. Nous vous expliquerons les différents projets du groupe.
Je leur serrai la main avant de partir, tentant de garder mon sérieux, au moins jusqu'à ce que j'aie quitté la salle de conférences, même si serrer la main d'Owen était très intimidant. Lorsque la porte se referma derrière moi, je ne pus m'empêcher de faire une petite danse de victoire. Même si je ne restais que trois mois avec eux, c'était déjà un grand honneur pour moi.
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